vendredi 23 août 2013

Trafic de mules

Il existe une règle universelle concernant les frontières : c'est toujours mieux de l'autre côté. L'ancienne frontière du Roussillon partait de Salses et suivait grosso modo les Corbières. Le trafic y était déjà conséquent et réfugiés en tous genres et marchandises de contrebande circulaient dans les deux sens. Avec le Traité des Pyrénées en 1659, la frontière se déplace plus au sud et le trafic avec. On allait désormais chercher en Espagne, de manière plus ou moins licite, ce qui manquait en France ou y coutait moins cher et vice versa. Mais, à la différence de l'ancienne frontière avec le Languedoc, la nouvelle division entérine la séparation d'un peuple unique, les Catalans, en deux entités différentes. Il n'est donc pas étonnant que les rapports soient restés très étroits dans les Pyrénées entre des gens qui étaient souvent parents ou possédaient encore des terres de chaque côté de la frontière. Le trafic reste une habitude qui permet d'améliorer le quotidien de populations aux revenus modestes, d'autant plus nécessaire lors des périodes de crises.

Lors de la première Guerre Mondiale, par exemple, les pénuries s'accentuent et le trafic de denrées de première nécessité prend un nouvel essor. L'armée française manque de chevaux et tous les équidés du pays sont réquisitionnés. Cela ne suffit pas et l'on importe alors des mules et des chevaux d'Espagne, d'Argentine, du Canada ou des États-Unis. Le trafic traditionnel de mules à travers les deux Cerdagne trouve alors une nouvelle dimension. On achète des animaux en Bretagne ou dans le Poitou et on les élève en Cerdagne avant de les faire passer clandestinement en Espagne. Ceux-ci sont ensuite rachetés par l'armée française qui a besoin au plus fort de la guerre de 32000 mules et chevaux par jour et ils repartent par Le Perthus, mais cette fois-ci en direction du nord. Ce commerce très rentable a fini par disparaître, mais le trafic transfrontalier a de manière certaine encore de beaux jours devant lui.

Un soldat américain et son cheval portant des masques à gaz (vers 1917-18)


Source : Michel Ruquet, Les liens transfrontaliers entre le Roussillon et le Principat de Catalunya, avant et pendant la première Guerre Mondiale (1914-1918) : Leur rôle dans le phénomène d'insoumission et de désertion, Perpignan, Revue Domitia, n°6, 2005
Photo : By Bureau of Medicine and Surgery, Department of the Navy [Public domain], via Wikimedia Commons



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