samedi 10 août 2013

Le goût des autres

Un article récemment paru dans L'Indépendant nous apprenait  que l'homme de Tautavel pratiquait sûrement le cannibalisme rituel. Nos esprits contemporains peuvent s'accommoder de ce genre de comportement, que l'on a souvent tendance à excuser par le caractère primitif de nos ancêtres préhistoriques. Manger ses congénères, amis ou ennemis, n'est pourtant pas un acte anodin, et l'aspect rituel de cette affaire nous permet d'oublier qu'homo erectus semble tout de même s'être délecté de la moelle fraîche contenue dans les os des pauvres hères lui ayant servi de repas. Il existe d'autres circonstances pouvant mener à l'anthropophagie et l'histoire roussillonnaise en fournit plusieurs témoignages. Les exemples les plus courants sont la conséquence de famines, par la faute de sécheresses ou de guerres, et l'on parle alors de cannibalisme de survie. Les deux sièges subis par la ville de Perpignan face aux Français, de 1473 à 1475 et en 1640, ont naturellement mené à ce genre de comportements extrêmes. En 1475, après avoir mangé tous les animaux possibles (ce qui leur valu le surnom de mangeur de rats), fait bouillir le cuir des harnachements et mangé l'herbe des remparts, les Perpignanais en sont réduits à s'attaquer aux cadavres des défenseurs et assaillants. La situation est la même en 1640, et le fait d'avoir aussi mangé le crottin des chevaux n'y changera rien, les morts nourriront les vivants. Il n'est bien sûr pas question de gastronomie ici et l'on excusera sans hésiter nos aïeux pour ces dramatiques événements qui ne leur ont pas laissé le choix, face à ce qui reste encore le tabou suprême de nos sociétés modernes.

Plan du siège de 1473

Sources :
Article de L'Indépendant
Bernard Duhourcau, Guide des Pyrénées mystérieuses, Tchou, 2006
Image : Par Enea Vico (1523-1567) (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55004732v) [Public domain], via Wikimedia Commons

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